Exposition Bob Auber: Schönberg

Schönberg, De Profundis – Mobberley, Critical Mass

Dans les environs de Prague il y a un château au milieu d’un parc, appartenant à un mystérieux mécène, où tout n’est que musique.

Hôte privilégie, j’ai vécu là.

Parmi tous ces instants magiques, je me souviens du chant « Arrache-cœur » d’un violoncelle. Il tourne encore, note douce et grave, dans ma mémoire de ce premier matin d’automne. Un musicien, lève tôt, cherchant la solitude, jouait déjà prés de la grande allée, assis sur une fine chaise dorée d’un autre temps. La brume flottait sur la prairie. D’autres, au violon, à la clarinette répétaient par petits groupes. Quand – une harde de daims passa lentement, comme au ralenti – L’un deux intrigué leva la tête, oreilles dressées, tendues pour comprendre… Peut-être… cette nouvelle musique des hommes ?

Je me souviens aussi, devant un public d’initiés, de conférences sur Schonberg, difficiles à suivre, pour moi, simple profane.

Je me souviens surtout qu’un soir, bateau ivre – pensant à Rimbaud – au crépuscule embaumé – tout finit un soir. J’ai peint cette toile. L’orchestre jouait « Nuit transfigurée » tandis que je peignais. Cet écho de nous tous sur ma toile.

Maintenant, revenu de cet insolite voyage, entre vous, moi et la toile, je regarde jusqu’où l’écriture de cette musique dodécaphonique maudite, aujourd’hui adulée, dont vous êtes des interprètes réputés, a pu nous mener vous et moi… à oser l’inconscient.

Je cherche à comprendre sur la toile posée devant moi ces instants de nous passés – Dans cette peinture crouteuse de touches d’un clavier éclaté – Dans cette grande trace rouge flottant dans l’espace – Dans ce disque dont l’ombre chlorophyllienne s’engage vers un autre chemin d’horizon.

Je cherche et j’entends comme d’un lointain, revenant de nous, envolé, emporté sur les grands oiseaux de l’oubli, aux ailes de rêveur, ailleurs écouté à des distances infinies rendues si proches, où chant des galaxies, à des années lumières, aux couleurs étincelantes. Un vœu de sirène depuis l’Antique appelle, disant : « l’homme est un voyageur ».

Souvenirs 2023 Bob AUBER